L’Expansion n°758 – Décembre 2010
Tous les cognacs ont une histoire
L’évolution du marché du cognac développe l’imagination des maisons et des Viticulteurs. Ils mettent en valeur la diversité de leurs productions, leurs habitudes et leurs savoir-faire particuliers.
Grosperrin – Petite Champagne 1973 50,2° – Prix : 125 €
L’une provient de la cave d’un notaire investisseur, l’autre du « paradis » d’un petit producteur lors d’une succession, où encore d’une barrique oubliée, qui se retrouvent dans les caves de la famille Grosperrin, courtier en cognacs spécialisé sur les eaux-de-vie de collection millésimées, forcément des petites séries. « La Gabarre » dispose de ses chais et de sa ligne de mise en bouteille. Le packaging est toujours le même autour du cru d’origine et du millésime, avec traçabilité et validation par la DGCCRF. Au catalogue, 30 millésimes de 1940 à 1991, dont le cognac n’est ni coloré, ni sucré, ni filtré au froid. Cette « petite champagne 1973 » provient du règlement d’une succession : 20 fûts. Notes de quetsches, épices, léger boisé « et une pointe d’amertume qui le rend frais », précise Guilhem Grosperrin.
Rémy Martin – Cœur de Cognac 40° Prix : 80 €
En réaction aux habituelles récriminations sur la complexité de la double matrice crus/vieillissement du marché du cognac (grande ou petite champagne, borderies, etc. VSOP, XO, etc.) la maison Remy Martin a joué la simplicité du « Cœur de cognac » fait pour séduire pas pour intimider. Un cognac de fine champagne, doux, onctueux, fruité, issu d’une distillation lente. Il s’affiche presque en rupture du marché traditionnel et vise clairement le marché de la consommatrice. Par son packaging, distingué mais frais, et par le mode de dégustation qu’il propose : pas après le dîner dans les effluves de cigares, mais à l’apéritif avec des glaçons pour réduire la teneur en alcool et faire ressortir les arômes, ou en long drink rafraîchissant. Réservé à l’Europe, « Cœur de cognac » se décline été ou hiver, Summer Fruits ou Summer Snow. Décomplexé.
Île d’Oléron – XO Prix : 36,50 €
La carte des crus de cognac classe le vignoble de l’ile d’Oléron dans les « Bois ordinaires». Ce n’est pas la plus prestigieuse, mais le savoir-faire très ancien des insulaires qui vendaient traditionnellement au négoce compense. La coopérative Vignerons d’Oléron en regroupe 50 pour 320 hectares de vignes sur des sols argilo-calcaires et sablonneux bien différents des terroirs continentaux de l’appellation. Cette coopérative a décidé de prendre à son compte la production complète d’une gamme de cognacs. Le marché de l’île d’Oléron» est essentiellement local, en réponse à la demande des touristes très nombreux l’été, mais l’exportation commence cette année au Québec et dans l’Ontario. Le XO est un assemblage dont la plus jeune eau-de-vie a dix ans. Nez de fleurs et de miel. Bouche puissante et longue, un peu caramel.
Hine – Grande Champagne Early Landed 1983 40° Prix : 210 €
La maison Hine cultive à l’envi ses racines anglaises. La classique maison de Jarnac a ainsi été réaménagée par le designer Russel Sage dans un style classico-décalé. Forte de ses 120 ha de vignes en grande Champagne et de fournisseurs fidèles en petite champagne, elle se pique d’élaborer nombre de millésimes scientifiquement prouvés. Tradition originale, Hine élève en Charente et en Angleterre. Quelques mois après la mise en fûts de chêne, une partie de la production part vieillir (20 à 25 ans dans des caves humides à Londres et à Bristol). Cela restitue un cognac fin, léger, fruité, fleuri, marqué par des saveurs orangées. À comparer avec le même millésime anobli dans les chais de Jarnac pour comprendre que les vins et les alcools sont des produits vivants.